Entrevue exclusive
Le hockey, ça coule dans nos veines! Pour nous c’est, comme le chante si bien Loco Locass « plus qu’un sport », « c’est ça qui nous ressemble » et « c’est ça qui nous rassemble ». Le Centre Bell est pour certains Québécois un temple, Guy Lafleur un demi-dieu et le hockey une véritable religion, mais ailleurs dans le monde, en France par exemple, c’est « le 5e, 6e ou même le 7e sport » (vous serez peut-être même surpris d’apprendre qu’il y a plus de pétanque que de hockey à la télé).
C’est ce que raconte Jonathan Lafrance, qui évolue dans le hockey professionnel français depuis maintenant 11 ans. Le Québécois de 37 ans est passé par le junior AAA des Mustangs de Vaudreuil-Dorion avec lesquels il a gagné le championnat québécois avant d’aller jouer dans les maritimes jusqu’à ses 20 ans. Après quoi, il passe de l’autre côté de la frontière pour aller jouer quatre ans dans la troisième division de la NCAA pour le Collège de Castleton au Vermont. Là-bas, il fait un baccalauréat en science de l’exercice, psychologie sportive, ce qui lui servira plus tard dans sa carrière.
« Après mes quatre ans, j’ai eu l’opportunité d'aller jouer en Alabama en SPHL (Southern Professional Hockey League) ». C’est l’équipe qui le contacte alors qu’il n’a même pas encore complété son bac. Il voyage alors dans le sud des États-Unis pour venir en renfort au Havoc de Huntsville qui entame les séries. Jonathan ne joue que deux matchs avant de revenir à Castleton pour récupérer son diplôme. Il joue tout de même une saison complète l’année suivante, soit en 2011-2012.
À la fin de cette même année, c’est direction l’Europe, où il continuera son parcours de hockeyeur professionnel.
« J’ai toujours eu l’idée d’aller en Europe, le style de jeu est plus ouvert, je savais que j’allais avoir plus de plaisir en France. C’est différent qu’aux États-Unis ou j’avais un rôle plus défensif ».
Le défenseur droitier de petite stature avait plus d’occasions de monter la rondelle, dû notamment aux plus larges dimensions des patinoires de l’autre côté de l’atlantique. La France était un choix évident en raison de la langue parlée même s’il n’était pas contre l’idée d’aller jouer ailleurs.
Jonathan Lafrance débute avec le club de Neuilly-sur-Marne, en banlieue parisienne, qui joue en division 1 (à noter que la division 1 française est en fait le deuxième niveau, la ligue Magnus étant supérieure. Cristobal Huet, ancien gardien des Canadiens de Montréal et le jeune Alexandre Texier des Blue Jackets de Columbus font partie des quelques gros noms ayant passé par la ligue Magnus. La division 1 française, ce n'est pas comme la LNH. Il y a 26 matchs par saison et les séries se jouent sous le format 3 de 5 et non 4 de 7).
« Le coach à l’époque c’était un Québécois, Frank Spinozzi, il m’a donné ma chance et j’ai joué deux ans pour lui ».
Lafrance est ensuite contacté par le Phénix de Reims, une commune en Région Grand-Est, avec qui il signe un contrat d’une saison. Celui qu’on surnomme Laffy enregistre 14 points en 24 rencontres cette saison-là, mais doit quitter l’année suivante, car le club fait faillite. Il se dirige en Hauts-De-France, vers Dunkerque, avant de retourner vers Reims en division 3 où il termine sa carrière. Enfin sur la glace… Jonathan a beau avoir accroché ses patins, il n’a pas encore dit son dernier mot.
À Neuilly-sur-Marne, le québécois donne déjà quelques heures par semaine pour entraîner les 9-10 ans. Il fait la même chose à Reims avec les 11-12 ans avant de poursuivre à Dunkerque, mais cette fois avec les moins de 20 ans.
« Sur les trois ans que j’ai été avec le junior on a fini deux fois sur le podium ».
Une statistique qui figure bien sûr son CV d’entraîneur. Lorsqu’il retourne à Reims, la formation lui offre de payer son diplôme d'entraîneur avec la fédération française de hockey sur glace. Dorénavant, il peut travailler à temps plein en tant qu’entraîneur.
C’est aujourd’hui derrière le banc des Corsaires de Dunkerque, équipe pour laquelle il a défendu la ligne bleue de 2015 à 2018, qu’il continue de vivre de sa passion.
« Vers la fin de leur saison, ça allait pas trop bien, ils m’ont approché et m’ont demandé si j’étais intéressé ».
Jonathan le dit lui-même: coacher des jeunes et des pros c’est complètement différent, « il y a beaucoup plus de pression, t’entraînes des joueurs pros qui vivent de ça, c’est pas plus ni moins le fun c’est juste pas pareil ». À sa première saison comme entraîneur-chef dans une ligue de haut niveau, Jonathan s’inscrit dans le livre des records de la franchise: pour la première fois de leur histoire, les Corsaires finissent premiers de la division 1 et se font éliminer en demi-finale.
L’équipe championne a habituellement la possibilité de monter en ligue Magnus si le propriétaire de la formation le désire. C’est une motivation pour les joueurs, qui espèrent souvent s’afficher dans la grande ligue. Il arrive par contre que le grand patron s’échappe et dévoile son plan en conférence de presse. Par exemple, le propriétaire des Corsaires a laissé savoir qu’il n’avait pas l’intention de monter en ligue Magnus juste avant le début des séries.
« C’est sur que ça a découragé certains des gars, après ça moi je dois les remettre d’aplomb. Le métier de coach aujourd’hui c’est comme un psychologue. Faut que t’apprennes à cerner tes joueurs, des fois c’est même d’être un confident ».
Le côté humain, Jonathan l’a très bien, mais le player management reste ce qui est le plus difficile selon lui.
En plus d’occuper les fonctions d’entraîneur-chef, il est aussi directeur général au niveau sportif. C’est donc lui qui gère et signe les contrats des joueurs. Une particularité qui est rarement vue dans les plus grosses ligues d’Amérique.
« Je dois faire des choix et des fois ça veut dire de garder un joueur plutôt qu’un autre, c’est déchirant, mais mon objectif, ça reste de gagner ».
Pour ce qui est de son futur, le Québécois essaie de ne pas trop se projeter. Il est pour l’instant très bien en France, mais s’il a un jour l’opportunité de passer à une ligue supérieure d’Europe ou même d’Amérique du Nord comme la NCAA il y réfléchirait assurément. Même s’il n’y a pas de hockey en été, Jonathan est déjà en train de préparer son camp d’entraînement et la prochaine campagne. Le coup d’envoi de la saison 2023-2024 aura lieu le 7 octobre.
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